Je suis parti de Taiwan avec le sentiment que je laissais une partie de moi dans ses montagnes. Le dernier soir, l'air était bon sur Muzha, la lune brillait de son croissant parfait, les théiers étaient paisibles dans l'obscurité apportant sa fraîcheur bienfaitrice. Le retour sur Taipei, ce vendredi soir là, fut surprenant tant le contraste avec les deux semaines passées en campagne était colossal. Les scooters et les taxi avaient beau couper notre voiture, les sens-unique nous narguer de leur complexité aberrante, l'impression profonde et vivante de la paix des sommets restait immuable en moi.
Tokyo. La mode est au Japon, tout le monde en parle. En tout cas, on m'en avait beaucoup parlé: -"Ah! tu t'en vas au Japon?" -"Oui, une semaine... et deux à Taiwan." -"Ah! chanceux! le Japon..." (Rien à foutre de Taiwan, hein!?!). Bon, je comprends, les gens ne connaissent pas la petite île qui a fournit à l'archipel nippon tout le bois de ses forêts pour la reconstruction de ses temples pendant l'occupation. L'autre chose dont on (par "on" je ne parle pas spécialement des gens du Camellia Sinensis) avait insisté de me faire part préalablement au voyage, c'est à propos des coutumes et des bonnes manières à appliquer là-bas. On m'a quasiment traumatisé d'avance à l'idée de faire des gaffes de salutations, de bévues impardonnables, de me faire grotesque... déjà que les Japonais auraient apparemment l'image du Gaijin barbare et inculte, sans raffinement, je ne voulais pas en rajouter sur notre pauvre cas! Bref, j'arrivais au Japon avec une certaine appréhension vis-à-vis les "moeurs contenus locaux", ce que, pour un épanoui spontané comme moi, pouvait sembler une prison sociale. "La recherche d'harmonie", m'a-t-on expliqué le pourquoi de tant de "japoniaiseries". Et oui, c'est vrai. C'est en ordre, ça coule, c'est paisible... c'est effectivement la première impression que j'ai eu de cette société.
On monte dans le train, tout est calme et propre. Les agents de bord sont souriants... peut-être même un peu trop. On vous salue. Encore. Encore trop. Mais tout se veut harmonieux, c'est compréhensible. "Bon ben, je serai un Gaijin comme ces îles en ont vu passer des milliers avant moi, un de ceux qui font de leur mieux, qui ne veut tout de même pas louper son voyage à regarder le sol tant courbettes il y a, quitte à passer pour un maladroit niais qui ne tourne pas ses chaussures -une fois- en montant la marche de la maison ou qui, exaspéré par une julienne de carotte qu'il ne peut saisir de ses baguettes laquées glissantes, la prend rapidement avec ses doigts -et que tout le monde a vu, bien sûr-!" Et se fut un "tant pis!" des plus libérateurs...
Ce n'est déjà pas si facile de trouver une maison de thé à Taipei ou, en général, sur l'île de Taiwan. C'est encore pire au Japon. Les Starbucks sur tous les coins de rue, les machines distributrices de shincha ou oolongcha frais en bouteille PET, font oublier aux Japonais ce qu'est LE THÉ. Pour les jeunes, ils croient pratiquement que nous leur faisons une blague lorsqu'on leur mentionne que nous sommes venus du Canada pour chercher des Sencha et Gyokuro, que des étudiants canadiens consomment quotidiennement du thé à notre salon (et en plus, en théière kyu-su à la méthode du Sencha-do!!!). Tout pour dire que je n'ai pas pu boire beaucoup de thé au Japon pendant mon périple...
Nara. Premier dîner en famille. Pierre, notre traducteur, un Québécois parlant un japonais quasi-parfait qui étudie la forge de sabre japonais avec un maître depuis trois ans et qui se marie, cet automne, avec une jolie fille du coin. Ils me préviennent alors que pour le lendemain, suite à la visite du producteur de Tsukigase, un rendez-vous galant a été arrangé pour moi avec la meilleure amie de la fiancée!
La visite chez monsieur Iwata a été pour moi une première aventure dans la campagne japonaise. Les jardins impeccables, la passion de l'homme qui fait tout, de A à Z, tout seul. Amateur de thé noir, il ne cesse de faire des expériences, étudie des livres par lui-même sur leur sujet, en produit plusieurs kilos par année. C'était à vrai dire plus ou moins intéressant de ce côté là mais ses Sencha étaient vraiment délicieux.
Après avoir visité les différents jardins et la fabrique, goûté plusieurs de ses thés verts et noirs, discuté de nos impressions (dans une ambiance de respect et d'écoute, soit dit en passant...), mangé des boules de riz gluant roulées dans des vermisseaux minuscules (!!!), le choix du sencha et de ses quantités conclues, nous repartions vers Nara et ma prétendante...
Suite de l'histoire sous peu...
2 commentaires:
"sous peu" J'espère que cela ne veut pas dire 11 jours comme depuis le dernier article! Le bonheur (dans le thé), tu l'as trouvé dans ce voyage. On se demande si tu as aussi trouvé l'amour!
Alors à très bientôt, j'espère, pour lire la suite de tes aventures!
Je sais que 11 jours c'est impardonnable! C'est loin d'être pour tenir en haleine mes lecteurs... Si j'avais le temps, j'écrirais à tous les jours! Encore une histoire de déménagement et une charge de travail qui ne fond pas. Et puis, l'été à Montréal, il faut en profiter parce que l'hiver arrive si vite!
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