31 juillet 2008

Il y a de ces étés qui surprennent par leur éclatement. Celui des couleurs, celui des parfums, celui des gens qui s'approchent et s'éloignent. La vie est comme ça, elle est une danse avec les fleurs. Nous n'y pouvons rien, mis à part tenter de ne pas les écraser de nos attentes maladroites, de nos jugements lourds faisant plus de mal que de bien, de notre impatience maladive de vouloir s'épanouir soi-même, souvent aux dépens des autres.

Ouverture. La fleur s'expose, vulnérable, à tous les éléments. Elle est fragile de ses voiles de carnation, de ses lances pointées au ciel, de ses nectars embaumant le voisinage végétal... elle se donne intégralement pour sa perpétuité, elle n'a pas le choix d'être aussi belle. Un bijou d'impermanence. Quand aurons-nous le réflexe d'être ainsi simplement ouvert, tout entier dans notre simplicité, sans autre possibilité que d'être merveilleusement ce que nous sommes au plus profond de notre personne, de ce corps et de cette âme qui est apparemment le résultat de ces tant d'années venant de passer? Le soleil éclaire tout, indifféremment. Le malin comme l'ange. La fleur comme la feuille. L'homme comme la punaise.

22 juillet 2008

Le thé des concubines...

Pourquoi pensez-vous qu'on aime le thé? C'est pas juste une histoire de feuilles qui infusent...

19 juillet 2008

Impression passagère, vague de l'âme, tentative vaine d'échapper à l'instant. La lumière se faufile, percole. Les branches de l'arbre de la ruelle, innocentes mercenaires du divin, ont laissé s'abattre sur ma figure vulnérable un long baiser de soleil. La surprise était telle que je n'ai pu me soustraire à l'avaler tout entier. Et j'en suis mort. Ici, à cet instant où je vous écris, je me laisse renaître. Il est de ces jours où l'on ne se serait jamais douté de pareille chose. Une mort douce comme la vie. Une vie délicate comme un dernier souffle, mince, tendu, parfait dans sa légèreté. Une libellule d'éther, un soupir d'ange, une grâce à s'éteindre. Elle est là, qui attend, qui guette, l'âme du monde. Je m'y abandonne.

16 juillet 2008

Impressions de voyage (4ème et dernière partie)


Pour finir cette suite d'impressions de mon voyage en Asie, je vous met en vrac des éléments du séjour au Japon. Ce dossier se fond dans mon vaste répertoire des "choses vues" de toute mon existence. Ainsi, avant que cela ne devienne trop abstrait, les voici dans leur cavale dans l'élan de la disparition...:

  • Théiers abîmés par la récolte mécanique, ça me fait mal au coeur de les voir ainsi: désir de ne plus boire de thé japonais;
  • Bestiole se camouflant dans un petit tube d'écorces qu'elle s'est confectionné pour manger les feuilles en toute quiétude;
  • Beuverie de saké avec Hugo dans la chambre d'hotel, confidences spontanées;
  • Plusieurs restaurants avec de bons trucs et bien des choses prisées par les Japonais mais douteuses pour nous: Friture d'intestins de boeuf dans leur sauce, le natto (horrible: fèves de soja fermentées et gluantes, plus près d'après moi de la texture/parfum d'un compost jeune en plein été et l'intérieur d'une couche de nourrisson!), tripes amères de moules de couleur vert fluo, calamar cru (j'ai vraiment cru falloir rejeter!), entrailles d'un poisson gisant à leurs côtés, et sûrement maints autres que mon inconscient a tenté d'oublier...!;
  • Maisons avec plus de désordre que je ne l'aurais cru: plus aucun remords ou complexes par rapport à l'esthétique et l'ordre zen que j'imaginais les Japonais pratiquer dans leurs demeures;
  • Des graines de théiers récoltées sur un vieux sage de 350 ans, ancêtre des futurs premiers théiers québécois (ah! le réchauffement climatique pourra peut-être me permettre de faire une récolte à mes vieux jours!);
  • Visite d'un Pachenko lounge: hallucinant, genre de casino abrutissant où les joueurs sont à des genres de machines à sous où ils font tomber, d'une manière passive, des centaines de petites billes de métal sur un fond troué où un écran se trouvant au fond visionne des soaps d'amour japonais ultra kitch... apparemment que des hommes dépensent leur salaire à aller "décrocher de leur quotidien" à ces endroits où le bruit est le pire que j'ai entendu à vie, une vraie transe électrique...;
  • Arcade de jeux vidéo: Hugo, Pierre et moi sommes allé dans ces grands photomatons (3 mètres sur 3 mètres) possédant des échelles et barres horizontales pour se suspendre: les 6 viseurs s'illuminent en alternance pour prendre des images dans toutes les directions, bien sûr accompagné d'une musique techno vraiment intense. Photos mémorables;
  • Quincaillerie nippone: Mon Dieu! Que de beaux trucs pour la cuisine: râpes, brosses, tetsubins, éponges, pinces, brûleurs, couteaux...;
  • Marché du thé à Shizuoka: une journée où les banchas de printemps étaient marchandés. Il fallait porter des casquettes de stagiaires, les autres avaient des bleues (acheteurs), vertes (producteurs) et jaunes (employés/arbitres).
  • Visite chez notre fournisseur de théières kyusu: Tellement, tellement de théières!!! Tellement que plus rien n'avait l'air spécial, même celles de potier, tant c'était la jungle des modèles. Je ne regrette pas de ne m'en avoir point acheté, mais j'ai craqué pour une tetsubin forgée par une toute petit fonderie artisanale du nord de Tokyo;
  • Et pas de salons de thé, mais des Café Starbucks partout! ...presque à tous les coins des grands boulevards;
Bah! C'est certain qu'il y a pleins de détails et anecdotes que je pourrais retrouver dans les décombres de ma mémoire... je ne me gênerai pas pour les écrire plus tard. Ce voyage chez ces fous et sages Japonais!


10 juillet 2008

Le baiser


Son allure me ravit. Son parfum. Sa lumière, sa couleur, sa clarté. Au plus profond de la courbe de son lit, réceptacle impassible, un petit tapis de brisures  me rappelle que ce liquide ne tire pas ses origines de l'espace, -comme son charme éthéré pourrait le laisser croire,- mais bien de ces feuilles voyageuses nées de l'amour du soleil, de la pluie, de la terre et de l'homme. Il sommeille dans une humeur chaude et paisible. Tel plusieurs petits renardeaux enfouis au fond d'un terrier, blottis, inextricablement unis dans la quête d'une tiédeur bienfaitrice. Cette tasse de thé, chaude et calme, sans vague, sans soucis d'être astringente ou amère, pleinement à moitié vide. 


Humer sa tiédeur, son âme. S'emplir soi-même de paysages, les laisser vivre au fond de son ventre, les laisser partir. Parce que le thé nécessite qu'on le laisse passer. Il est de la catégorie des oiseaux ou des papillons, de ceux qui meurent si l'on tente de les emprisonner. 


Impressions de fête. La première vague. Une marée timide qui s'avance, ressac après ressac, jusqu'à ma lèvre. Un baiser délicieux. J'ai toujours aimé les baisers. Je trouve que c'est le moment le plus fort. Celui où les attentes n'attendent plus, où l'union de deux êtres qui ne s'attendent plus se retrouvent ouverts et comblés. Le bonheur est là lorsqu'on ne l'attends plus. Et c'est peut-être pour cela que j'aime tant le thé (embrasser les tasses de thé!). À chaque infusion, la surprise du premier baiser. La douceur, la texture, le goût, la vigueur et enfin, l'expérience. 


L'expérience de ceux et celles qui l'ont élevé et conditionné, de ceux qui l'ont rencontré et prisé, pour enfin arriver jusqu'à nous, là, ouverte, présente. Les lèvres tendues, dans l'attente sans attente du baiser, on oublie trop souvent que ce qui effleurera notre bouche à tout moment, est né de l'expérience de bien des êtres. Nous ne sommes jamais les premiers et c'est très bien ainsi. Et à chaque fois c'est différent. C'est ce qui est merveilleux. Pendant que l'union s'effectue, dans la danse fluide de la langue et des saveurs, du palais et des arômes volatils, du coeur et de l'âme du thé, l'écoute s'impose. Un silence, celui du premier baiser. Un silence plein.


Et c'est dès que ce silence s'éteint, avec les premières pensées qui sont là à ce croire plus intelligentes que ce qui est, que l'expérience simple et authentique se termine. Un baiser en pensant n'est jamais vraiment bon. Une tasse de thé non plus. Et j'ai maintenant mon dire que toute expérience où ma tête mène le jeu n'est qu'une expérience médiocre manquant de la spontanéité que l'on attribut aux enfants (et comme la vie était douce et bonne alors, lorsque le temps passait beaucoup moins vite que maintenant...!). Le thé et l'humilité ne devraient faire qu'un. Le coeur simple n'est pas sous l'emprise du savoir et de la connaissance. Il est, tout simplement. Comme ce liquide merveilleux au fond de ma tasse.

02 juillet 2008

Impressions de voyage (3ème partie)


La saveur d'un fukamushi commence à m'enivrer en vous écrivant cette première phrase. La couleur émeraude de son infusion est brillante. Ses arômes enveloppants de légumes verts (bette, mâche, haricot vert...) sont délicats mais arrivent jusqu'à mes naseaux encore endormis. Décidément, ce ne sont pas des impressions que j'ai pu associer à mon voyage au Japon; mis à part les dégustations comparatives chez les producteurs, je n'ai carrément pas eu la chance d'en boire une seule tasse... Ah oui, une seule fois... à Nara, une tasse de hojicha dans une boutique de céramiques hallucinantes, juste avant ma rencontre avec Hiroko...

C'est impressionnant à quel point plusieurs femmes japonaises sont belles. La proportion me rappelle celle des Québécoises. À chacun de mes retours au pays, après avoir voyagé dans plusieurs contrées, je suis surpris de voir à quel point la proportion des femmes québécoises spécialement ravissantes est élevée. Au Japon, j'ai été agréablement touché par ce même état des choses. Hiroko n'en fait d'ailleurs pas moins partie de ce groupe (vous pouvez juger par vous même sur la photo, son minois se trouvant sur ma gauche). Simple, distinguée, détendue (en apparence...). Ne parlant qu'à peine l'anglais, Pierre nous servant d'interprète, elle m'a été présentée comme étant une étudiante en aromathérapie et en massage thérapeutique, fan inconditionnelle du café, de la campagne et des bons restaurants. Pierre m'avait dit: "Les Japonais ne sont pas fonceux (activement séducteurs...), même si tu es du type timide, tu peux pas faire pire qu'eux! En tant que Gaijin, la partie est presque gagnée d'avance. Reste simplement toi-même et détends toi". Après un copieux repas arrosé de saké et une tournée de champagne dans un petit bistro très sympa, notre échange, compliqué vu la barrière de la langue, était tout de même très intéressant. En tant que Québécois naturel du type "bon gars", je n'ai bien sûr rien brusqué... Comment aurais-je pu, ne pouvant rien interpréter de ce que ma galante pensait: les Japonaises sont d'une discrétion impénétrable. Tout ce que j'apprenais du reste de la soirée provenait de Pierre qui me racontait les maigres détails filtrés par sa fiancée à qui Hiroko se confiait uniquement. Une attirance était à lire dans tout ça. Une bise (c'était déjà beaucoup apparemment pour une nippone n'ayant jamais passé de temps avec un étranger auparavant!) est venu clore la soirée fort agréable. 

Plus tard, à la fin du séjour sur l'archipel, je passai un après-midi entier avec Hiroko, seuls tous les deux avec notre handicap linguistique pallié d'un dictionnaire "english-japanese". Un moment magique passé en sa compagnie, sur la terrasse d'un superbe petit café d'un parc d'Osaka, elle à lire ses notes en préparation à un examen d'aromathérapie, moi à lire "Le Parfum" de Suskind. Dans un silence complice, les mots nous manquant (vous savez pourquoi...), le Soleil nous baignait d'entre les branches d'arbres en fleur. Les rosiers et les pivoines embaumaient, les effluves du café (quelle surprise!) montaient de nos tasses, le sol tiède sentait bon la terre grasse... tout cela venait me rappeler pourquoi je lisais ce livre et pourquoi j'étais là. Entre les quelques phrases presque artificielles que nous échangions, le silence était bon. Une douce balade dans les avenues du parc et de la grande ville puis vint le temps des adieux, des moments qui ressemblent à ceux dans les films qui finissent en nous laissant une sensation d'incomplétude, d'ouverture éthérée presque inconfortable: le quai de la gare. La possibilité de commencer quelque chose qui demanderait beaucoup d'effort, de temps et de distance phénoménale en ne sachant même pas vraiment à qui j'ai affaire (quoique même mariés pendant plusieurs décennies, certains ne semblent parfois même pas connaître celui ou celle dormant à leurs côtés, m'a-t-on dit...) mis à part la sensation d'être avec une séduisante complice. Je n'ai pas laissé le Japon prendre mon coeur.

Je reviendrai au thé dès le prochain article, je vous le promet... J'en ai fini de ma petite digression de charmes. Le voyage est pour moi plus une histoire de gens que de choses vues ou faites. Sans ces moments, mon séjour en aurait été moins profond, moins riche. Maintenant installé dans ma nouvelle chambre où je viens d'aménager avec trois merveilleux colocataires buveurs de thé, -que je sais avoir la chance de vous présenter dans un futur proche-, la candeur de vivre m'habite d'autant plus que je me trouve si chanceux d'être là... une tasse de sencha à mes côtés!