29 septembre 2008


Toute la lumière du monde y est filtrée. Toute la tendresse. Si on avait à résumer tout l'or du monde ce serait ses feuilles. De légers lingots non moins inestimables, non façonnés par l'homme mais amoureusement par l'univers. La bourse, le cours du métal précieux, peut bien s'effondrer, lui, riche de tout cet or éphémère, resplendit humblement dans toute sa lumière. Ses plumes viendront bientôt qu'à tomber elles aussi mais dans la dignité de perpétuer la vie. Quand on meurt, on ne perd pas la vie, on la multiplie: le monde des vivants ne s'en trouve que réjouit, il pullule frénétiquement, il explose, en somme il savoure le carnaval de la transformation. La beauté simple. Aujourd'hui le balancement de l'or dans la brise d'automne, demain le terreau de jours heureux, noir comme l'or. La nature relève du miracle... les yeux ouverts, le coeur incrusté de nacre brillant, l'âme à la cime, l'or à la tête, je contemple paisiblement cet ami qui me donne tant.

19 septembre 2008

Détour


Le thé n'est qu'un prétexte; ce que je cherche véritablement est le silence de l'attention pendant chaque gorgée.

Photo par Hypergurl, Creative Commons

15 septembre 2008

Un moment sous la pluie




Un de mes petits plaisirs préférés, la douceur des tartines de confiture de fraises bénies d'un Darjeeling, me rappelle que je suis bien vivant et que la mort ne pas ma saisie lorsque nous nous sommes croisés la nuit dernière. Elle avait pris la forme d'une voiture et de son chauffeur -si on peut se permettre de l'appeler ainsi. Ce dernier ressemblait au cliché que je me fais des vieux noirs se berçant paresseusement sur le porche d'une maison délabrée d'Alabama, les petites  lunettes au bout d'un nez ridé. Le sol était luisant de pluie, noir comme l'encre humide. Nous nous sommes touchés. J'ai senti - malgré l'intense dégustation de Scotchs et Pu Er dont mon esprit se remettait à peine, - la force de cet instant, une fenêtre rien que pour moi, une exclusivité bouleversante: j'avais beau être avec mes amis, je serais mort seul. Coquette dans le luisant de la bruine, la mort m'a dit, regarde, je suis là, toujours aussi belle d'imprévisibilité, de nuances, t'en serais-tu douté?, j'aurais pu te prendre, voler ta présence, ici ta forme ne tient qu'au fil du rêve, aussi fragile qu'une brise tiède dans la moiteur des ruelles endormies. Un rêve bien réel, le pare-choc de la voiture posé contre ma jambe. Même si sur le coup je crie des injures au pauvre homme hébété, peu importe lesquelles sortent de mon ventre, je vois bien que ce n'est pas à lui qu'elles s'adressent, elles sont pour la mort, cachée sur la banquette arrière... c'est le moins qu'on puisse faire, on peut se permettre de crier au fauve que l'on sait en cage, la faux s'était déjà arrêtée. Une seule évidence, s'éteindre embaumé par les effluves des élixirs bus quelques instants plus tôt m'aurait fait paraître ce dommage plus léger, l'âme déjà propulsée au cieux n'en aurait à peine vu la différence.

Aujourd'hui je regarde les gens qui marchent sur la rue, j'en reconnais quelques uns qui habitent le quartier. Que je sois mort ou non, tout continue. Tout le rien ne change. L'harmonie du monde, au sein du chaos paisible de chaque moment qui passe.

Photo modifiée de l'originale par benoit_d, Creative Commons
Musique: Philip Glass par Kronos Quartet, String Quartet #3, "Mishima"

14 septembre 2008

Le retour du branleux

Eh bien coup donc! C'est ici ma maison! Au Québec on appelle ça un "branleux" (à ne pas confondre avec un "branleur"), c'est-à-dire quelqu'un qui n'arrive pas à ce décider. Il essaye quelque chose, tente un autre truc... C'est aujourd'hui ce que je suis... et je suis désolé d'avoir à me montrer à vous sous cet angle avec mes hésitations de la semaine.

Et que voulez-vous, j'arrive pas à écrire sur du blanc, je préfère le noir. J'ai réalisé que je ne pourrai pas me passer de faire de petites anecdotes théesques de temps en temps, que Le Zhong Nomade était pour moi aussi un endroit d'humour et de convivialité qui manquait au "trop sérieux" que je m'offrais dans une autre version de blogue. En fait, plus j'y pense, plus j'apprécie le style de Patrick de En forme de Poire, un mesclun de thé et de tout le reste, un melting teapot de plein d'affaires. Merci à Raphaël et Vanessa pour m'avoir fait réaliser assez tôt que j'avais le droit de simplement écrire comme je le sentais même si l'absence de commentaires n'impliquait pas forcément un désintérêt. À bientôt alors...

Grisaillerie


Un accouchement sans difficulté, un glissement hors du noir, une naissance d'un petit matin gris de son ciel. Il est d'un velouté terrible, immobile dans sa pesanteur. J'ai l'âme qui s'y mêle. Une tasse de thé se porte volontaire à la rescousse d'un réveil aussi lâche que celui de son hôte. La réincarnation avait été appelée pour une autre destination, il y a eu erreur je vous dis, ce sont les oiseaux du paradis que je vous avais commandé, non, c'est bien la bonne adresse d'esprit, y aurait-il eu un déménagement, oui, c'est bien possible, j'étais perdu. Un glissement hors du noir, c'est comme un accouchement sans difficulté, c'est ensuite de respirer qui brûle. Ce petit matin gris, tout lourd, il me montre que l'immobilité n'est rien d'autre qu'un glissement, si lent, que le velouté du temps est délectable.

11 septembre 2008

Pause

Dans l'air frais qui monte du sol d'un début d'automne beau comme un trésor, l'or oblique gratine doucement leur cime calme. Fontaines d'encre vert, la sève semble leur monter à la tête, au fond d'une chevelure quiète. C'est bien moi qui suis affolé devant leur sage immobilité. Un contraste frappant qui fait taire en moi toute demande, tout désir. Ces arbres paisibles ont été là, toute la journée, pour d'autres. Des hommes et des femmes, des enfants et des chiens, des romances et des déchirures, des poubelles qui débordent. Maintenant je choisis de m'arrêter à mon tour, de les rejoindre pour ce moment d'éternité, pour savourer les derniers rayons d'amour que déverse l'univers.

Bourdonnements et tourbillons de moucherons affamés frôlant la périphérie de l'âme, faisant se tendre les poils d'éther à la surface de mon corps. Je sens la tension du mouvement qui veut se perpétuer, qui me veut avec lui dans sa danse, qui a besoin que j'y participe... sinon il n'est rien.

Rien car, s'en est la preuve, les yeux amarrés aux plus grands maîtres qui soient, les géants de la lenteur, les arbres baignés de lumière, la renaissance m'envahit. Mon cœur bat sous l'écorce, il y est plongé vivant. Les racines me poussent, creusent l'âme du monde jusqu'à son plus caché, inavoué, les calmes couches n'appartenant à personne. Disparaissent ainsi les spasmes du faire. Les vagues déferlentes peuvent bien s'abattrent pour m'emporter, elles se butent à un banc de pierre d'autant plus solide que j'y suis ancré. L'œil du cyclone.

Sortir du mouvement est un art d'abandon, un abandon si simple mais qui requière la volonté de mourir à soi-même, fermer la porte au nez de celui qui croit être ce qu'il fait. 


10 septembre 2008

Surdose


OK. Ça me sort par les oreilles. Depuis que je m'occupe du nouveau blogue du Camellia et que ma vision du thé a pris un tournant un tantinet plus simple, écrire sur le sujet à deux endroits me donne carrément la nausée. Je sais que je ne consacre plus le temps nécessaire à poster régulièrement de nouveaux billets ni d'afficher de commentaires sur vos blogs que je lis trop peu (mais sachez que je trouve que la plupart d'entre vous font un travail extraordinaire... conservez votre passion à flammes dévorantes!). Je ne crains aucunement que la blogosphère francophone du thé souffrira particulièrement de la latence prolongée du Zhong Nomade.

J'ai posté, depuis les quelques dernières semaines, de petits textes ne portant pas précisément sur le thé. Je sais que mes quelques lecteurs sont des mordus invétérés du thé, c'était la mission de ce blog depuis le début, mais j'ai trouvé dommage de ne pas avoir plus de comebacks sur ce qui m'habite plus personnellement, dans mes délires poétiques. Écrire, c'est révéler aux autres ce que notre âme nous invite à découvrir de nous-même.  Et en ce-moment, à baigner à tous les jours dans le monde du thé, j'endure une surdose. C'est comme ça.

Seulement pour ceux que ça intéresse (et sachez que le thé ne risque pas d'être au rendez-vous...), vous êtes les bienvenus-es à venir visiter ce qui me servira de nouvel exutoire littéraire: Murmures de lumière

Je me promet de continuer à venir vous visiter... Continuez à vous enivrer d'infusions merveilleuses, le thé est béni de par tous les élixirs! À bientôt!

03 septembre 2008

Jours de soleil

Les parcs baignés de soleil me donnent des frissons. Des frissons de bien-être. Les grands arbres aux teintes de verts si éclatés de lumière, la brise tiède qui les fait marmonner de vagues récits d'une langue étrangère que l'on comprendrait si l'on écoutait bien, les gens installés dans son sein qui s'affairent à se trouver des fils de discussions ou des bricoles sur quoi faire joujou. J'aime l'ombre et son herbe si fraîche et son mouvement qui tend toujours à nous fuir, comme si le soleil amoureux de notre chair fragile se vouait à nous embraser où que nous tentions de nous cacher. Ces jours ensoleillés sont bénis. Ce sont ces quelques oasis de tiédeur, de lumière, de parfums aériens emplis de vie, qui me font survivre tout le reste de l'année. 

Je suis sur un banc. Christian Bobin illumine la noirceur de la lumière de la mort de sa femme. Il nous dit que la vie est dure... Sûrement est-ce aisé de convaincre le commun des mortels autre que moi, j'ai du mal à le lire. J'aimerais pouvoir accepter ce fait. La réalité c'est que j'ai commencé ma vie en croyant que tout était si merveilleux, la vie je t'aime, écrivai-je avec une branche dans la neige ou dans le sable pendant les années de mon enfance et de mon adolescence. Puis sont venues les expériences. Celles que l'on oublie parce qu'on le veut bien mais qui ne nous quittent vraiment jamais. Celles qui nous donne l'impression d'être plus sage mais qui plutôt nous crispent, nous coupent de cette innocence, celle de l'oiseau, de l'idiot du village ou du chat devant le trou de la souris qu'il guette. Cette simplicité du coeur, je la retrouve lorsqu'une branche enivrée de soleil laisse filtrer de ses feuilles abandonnées un rayon bienveillant. M'a-t-elle donc quitté qu'une seule fois déjà? Non, elle est toujours là, cette fraîcheur, cachée sous les duvets des années, des moments de perdition. Elle est là qui guette, qui attend, comme la souris défiant le chat de l'autre côté de sa vie.