10 juillet 2008

Le baiser


Son allure me ravit. Son parfum. Sa lumière, sa couleur, sa clarté. Au plus profond de la courbe de son lit, réceptacle impassible, un petit tapis de brisures  me rappelle que ce liquide ne tire pas ses origines de l'espace, -comme son charme éthéré pourrait le laisser croire,- mais bien de ces feuilles voyageuses nées de l'amour du soleil, de la pluie, de la terre et de l'homme. Il sommeille dans une humeur chaude et paisible. Tel plusieurs petits renardeaux enfouis au fond d'un terrier, blottis, inextricablement unis dans la quête d'une tiédeur bienfaitrice. Cette tasse de thé, chaude et calme, sans vague, sans soucis d'être astringente ou amère, pleinement à moitié vide. 


Humer sa tiédeur, son âme. S'emplir soi-même de paysages, les laisser vivre au fond de son ventre, les laisser partir. Parce que le thé nécessite qu'on le laisse passer. Il est de la catégorie des oiseaux ou des papillons, de ceux qui meurent si l'on tente de les emprisonner. 


Impressions de fête. La première vague. Une marée timide qui s'avance, ressac après ressac, jusqu'à ma lèvre. Un baiser délicieux. J'ai toujours aimé les baisers. Je trouve que c'est le moment le plus fort. Celui où les attentes n'attendent plus, où l'union de deux êtres qui ne s'attendent plus se retrouvent ouverts et comblés. Le bonheur est là lorsqu'on ne l'attends plus. Et c'est peut-être pour cela que j'aime tant le thé (embrasser les tasses de thé!). À chaque infusion, la surprise du premier baiser. La douceur, la texture, le goût, la vigueur et enfin, l'expérience. 


L'expérience de ceux et celles qui l'ont élevé et conditionné, de ceux qui l'ont rencontré et prisé, pour enfin arriver jusqu'à nous, là, ouverte, présente. Les lèvres tendues, dans l'attente sans attente du baiser, on oublie trop souvent que ce qui effleurera notre bouche à tout moment, est né de l'expérience de bien des êtres. Nous ne sommes jamais les premiers et c'est très bien ainsi. Et à chaque fois c'est différent. C'est ce qui est merveilleux. Pendant que l'union s'effectue, dans la danse fluide de la langue et des saveurs, du palais et des arômes volatils, du coeur et de l'âme du thé, l'écoute s'impose. Un silence, celui du premier baiser. Un silence plein.


Et c'est dès que ce silence s'éteint, avec les premières pensées qui sont là à ce croire plus intelligentes que ce qui est, que l'expérience simple et authentique se termine. Un baiser en pensant n'est jamais vraiment bon. Une tasse de thé non plus. Et j'ai maintenant mon dire que toute expérience où ma tête mène le jeu n'est qu'une expérience médiocre manquant de la spontanéité que l'on attribut aux enfants (et comme la vie était douce et bonne alors, lorsque le temps passait beaucoup moins vite que maintenant...!). Le thé et l'humilité ne devraient faire qu'un. Le coeur simple n'est pas sous l'emprise du savoir et de la connaissance. Il est, tout simplement. Comme ce liquide merveilleux au fond de ma tasse.

5 commentaires:

Raphael a dit…

Celibataire, en ce moment ?
;o)

Anonyme a dit…

C'est clair, t'es amoureux...

Fortunato

Sacha a dit…

Célibataire mais amoureux. Apparemment ce n'est pas incompatible et on n'en meurt surtout pas...

geneviève meylan a dit…

belle et tendre comparaison que celle du baiser thé (bol) et de celui de l'être aimé ...

Anonyme a dit…

merci sacha pour ce beau texte...